Vol du tandem LAMONTAGNE - GUILLOT

REVOIR L’AUTRICHE

 

Cette année 2000 tant vantée par les médias ne nous aura pas gâtés pour les situations permettant de tenter des grands vols. Il m’aura fallu attendre le 1er août pour, en compagnie de Didier Givois, faire un superbe Pont d’Aiguines-Réalp. Ce mois d’août qui commence si bien relève enfin un peu le niveau.

 Le 10, je m’inscris pour voler mais il n’y a que deux ASH25 au CSVVA. Avant le briefing, deux équipages se sont déjà constitués. Comme je ne suis pas privé de vol en grandes plumes, je me désiste et Christophe accepte mes services pour la double circuit. La journée, sans être exceptionnelle, permettra aux grands planeurs de tourner entre 500 et 600 kilomètres. Après un départ un peu téméraire, Edmund et moi, sur AJ, nous retrouvons coincés à la Dent de Cons (sans doute baptisée ainsi par un vélivole qui nous a précédés dans cette honteuse situation). Après 5 tentatives infructueuses pour escalader le Charvin, j’abandonne l’idée de poursuivre vers Chamonix. 3 heures se sont passées à essayer de ne pas tomber à Albertville et nous finissons par rentrer à Challes ventre à terre. Mieux vaut oublier cette journée et s’organiser pour le lendemain.

Justement, mon compère Pierre Guillot, membre éminent du club des Autrichiens, est partant pour notre vol annuel. Rendez-vous est pris pour 9h15. Il n’a pas encore franchi la frontière suisse cette année et je crois comprendre qu’il se sentirait déshonoré si la situation n’évoluait pas rapidement.

Le 11, j’arrive donc au terrain un peu avant 9h00. 2W est déjà au starter avion. Alain prépare VZ et KY. Ca sent fortement la grande journée et je prépare AL en attendant l’arrivée de Pierre que ses obligations parentales retiennent jusqu’à 9h15. Pour se faire pardonner son retard, il est désigné volontaire pour faire le plein du KY. Les hangars se transforment en ruche, Bunker organise la sortie du matériel.

Christophe arrive, sondage et bulletin météo à la main. Le sondage est prometteur, avec une très forte inversion jusqu’à 1100 m laissant augurer de grosses difficultés dans les basses couches. Au dessus, à part une petite inversion entre 1450 et 1500 m, une isothermie entre 1900 et 2200 m, c’est instable et pas trop humide. Pas de risque d’orages à prévoir. On va pouvoir y aller.

Alain décolle le premier, direction la Chartreuse, pour virer le Mt Aiguille d’abord, ce qu’il fera rapidement. Pour nous, c’est décidé, ce sera la Suisse et, si possible, l’Autriche. Sans complexes, nous inscrivons Nauders comme point de virage.

Et c’est parti à 10h20. Marc Genevey nous tire en direction de la Buffaz. Alain est déjà à Chamechaude. Nous attendons d’être au Colombier pour larguer à 1700 m. C’est encore un peu mou et il nous faut 10 bonnes minutes pour atteindre 2050 m.

Fort de ma triste expérience de la veille, et grâce à la prudence naturelle de Pierre, nous optons pour un départ timide. Une escale sur la face Sud-Est du Trélod nous redonne 150 mètres et nous atteignons la Sambuy vers 2000 m. Nous y montons à 2300 m. Devant, sur notre route, il n’y a que très peu de barbules mais ça commence à se former un peu partout, notamment vers la Suisse. Mise de cap vers les Aravis qui portent sans spirale. Nous quittons l’extrémité de la chaîne vers 2500 m et mettons le cap vers la falaise Sud du Désert de Platté. On aimerait bien passer en Suisse tout droit, sans faire le détour du Brévent et des Aiguilles Rouges.

Le Désert de Platté ne nous monte pas et les cols, devant nous, sont beaucoup trop hauts. Un petit repli stratégique s’impose et nous nous déroutons jusqu’à la Pointe Noire de Porména où un cumulus encore un peu humilis nous tend les bras et nous monte à 3300 m. Cette fois, ça passe tout droit par le col du Sodentonrt nous cheminons par les lacs d’Emosson sans spiraler. Nous examinons la situation en Suisse. Les deux côtés de la vallée du Rhône paraissent bons, les cumulus se forment partout.

Simplement, sur la rive Nord, les cumulus paraissent bien bas, vers 2500 m, avec des barbules à tous les niveaux jusqu’après Sion. On prend tout de même ce côté en gardant un Mc Cready faible jusqu’à Crans-Montana où les pompes reprennent de la vigueur et du plafond. Jusqu’à maintenant, nous n’avons tenu que 75 km/h de moyenne et il va falloir accélérer. Le côté Sud du Valais paraît mieux pavé et nous l’indiquons aux petits camarades qui nous suivent. Léon et Alain prendront l’option Sud avec des succès divers. Sur notre route de nombreux parapentes et planeurs balisent les pompes jusqu’à 3000 m. Tout va bien.

Nous n’essayons pas d’atteindre le niveau supérieur, vers 4000 m, où se pavanent les planeurs partis de Bex, Saanen ou Gruyère. Ils sont sur les crêtes Nord et nous perdrions du temps pour les rejoindre. Nous arrivons à Ulrichen, où un stage est organisé comme chaque année par nos amis Suisses. Il est réconfortant de savoir qu’il y a ici un remorqueur.

Arrivés à la Furka, un choix s’impose : La vallée du Rhin vers Coire est belle à voir. En direction de Samedan, c’est d’abord bien balisé par 3 à 4/8 de cumulus, puis plus clair ensuite avec 1 à 2/8 vers la basse vallée de l’Inn. Mais il est encore tôt et, si les cumulus sont moins nombreux, les plafonds doivent être plus élevés. C’est décidé, nous continuons vers Nauders.

Nous passons le col de la Furka par le côté Sud et continuons vers le Scopi, Sufers, le Nord du Lac de Lei sans avoir à nous poser de questions angoissantes. Devant nous, les cumulus sont un peu plus clairsemés mais les ascendances sont nettes et régulières. A nos 11 heures, une belle rue de cumulus coiffe la chaîne qui borde, au Nord-Ouest, la vallée de Davos. Après un bref conciliabule, on décide de continuer vers Nauders.

Nous atteignons la vallée de l’Inn entre Zuort et Zernez. Les plafonds sont maintenant à 4000 m et nous arrivons rapidement à Nauders. Il est à peine 15 h. Lorsque nous volons ensemble, Pierre et moi, nous avons l’habitude de faire demi-tour à 15h15. Il nous reste donc encore un quart d’heure et nous décidons d’avancer jusqu’au barrage de Staissee-Gepatsh, 20 kilomètres plus loin.

Ça va tellement bien que nous y arrivons à 15h10 et nous avançons encore au cap jusqu’à la vallée du Pitzbach. Dans celle-ci, les rares hameaux ne sont pas dignes d’être photographiés et, bien que l’heure du retour soit dépassée, nous continuons jusqu’à la vallée de l’Oztaler ache, où Laugenfeld s’offre à notre objectif. Innsbruck est à une trentaine de kilomètres et Pierre se remémore ses jeunes années et ses vols sur cette magnifique pente que l’on voit parfaitement. Moi qui était absent de France lors des Transalpines d’antan, je sens que j’ai manqué quelque chose.

Il est 15h25 et il est temps de penser au retour. Le LX 5000 nous indique : CSVVA = 420 km. Bon ! Ne nous affolons pas et tâchons d’accélérer (C’est une de mes rengaines favorites). Nous prenons un cap qui nous rapproche de la vallée de l’Inn avec l’intention de suivre les reliefs du côté Nord où les cumulus sont plus nombreux et semblent plus accueillants. D’un commun accord, nous faisons ce choix qui va s’avérer déplorable car nous ne trouvons rien de bien fameux et nous bataillons dans de vulgaires 2 m/s foireux. Allez Pierre, avance, avance ! (2ème rengaine favorite) Alain, qui a viré peu après Nauders, prend le même chemin. Il ne rencontre pas nos difficultés, sans doute à cause d’un meilleur cheminement (ça vous étonne ?). Léon, qui a viré à Zuort, est sur le chemin du retour depuis un bon moment et il nous renseigne sur les conditions vers l’Ouest.

 Une fois remis de ce mauvais passage, nous nous engageons, sans avoir à refaire le plafond, mais tout de même entre 3000 et 3500 mètres, dans la traversée des massifs qui s’interposent entre nous et la Furkapass ou le Nufenenpass. A gauche de notre route, quelques cunimbs sur l’Italie ; A droite, au Nord de la vallée du Rhin, des congestus, et, devant nous, une petite centaine de kilomètres pendant lesquels il vaut mieux assurer et être prévoyants.

A l’approche de la Furka, comme Léon l’a annoncé, l’air est plus humide, la nébulosité plus importante avec des barbules à tous les niveaux. Ca passe cependant sans problème. Nous optons pour un cheminement côté Sud de la vallée du Rhône mais il faut attendre 2200 m et le début de la vallée de la Bintal pour refaire un plafond vers 3000 m. Nous ne sommes pas encore à la maison, mais ça s’en rapproche. J’en profite pour faire une petite fantaisie : Je m’acharne à monter sur une petite crête mal orientée, déventée, trop bas pour spiraler. Pierre ne fait que quelques commentaires pas trop méchants. Bref, nous repartons 10 mn plus tard en ayant perdu 200 mètres (c’est malin !).

Dans le secteur de Verbier, Alain nous rejoint et, après avoir atteint 2900 m, nous regagnons la vallée de Chamonix. Un DG 800 et un Duo font de la pente sur la crête Est du glacier du Tour. 4 planeurs, c’est trop et nous partons vers les Drus que nous escaladons tout en cherchant les alpinistes au bout de leurs cordes. Séance photo avec 2W puis, à 3400 m, commence le long plané vers Challes dans une masse d’air redevenue bien calme. Je suis tenté par un point de virage à Prapoutel pour gagner 60 km. Ca passe au calculateur mais c’est un peu trop tangent et ça nous imposerait une gestion du vol assez stressante après 9h30 de vol. Alain, qui nous suit depuis Chamonix, nous aide dans notre décision en annonçant qu’il met le cap sur Challes.

Nous ne sommes qu’à 10 km de Prapoutel mais c’est plus sage. Au moins, nous finirons notre vol dignement, sur notre bonne vieille 33 plus accueillante que les champs de Francin ou de Chapareillan. Nous nous mettons en patrouille avec Alain et c’est l’arrivée, le bout de l’aile droite dans la gerbe d’eau du 2W qui déballaste.

Et maintenant, il reste à rêver à l’année prochaine qui sera aussi celle du millénaire suivant. Il y a, quelque part après Innsbruck, au kilomètre 500 depuis La Thuile, un petit village qui s’appelle Hoffgarten, avec 2 ponts et une boucle de voie ferrée, qui attendent d’être photographiés. Il faudra, décoller plus tôt et ne faire que des bons choix. C’est ça le plus dur, et c’est une autre histoire.

Henri LAMONTAGNE

P.S. Nos appareils photos sont tous deux tombés en panne pendant ce vol. Heureusement, le LX5000 conserve les coordonnées géographiques du trajet effectué : Un bel aller-retour de 840 km.

P.S. n°2 :

Monter plus vite, peut-être ; avancer plus vite, OK ; mais il reste les facteurs météo : Les Alpes sont partagées en plusieurs zones climatiques où les conditions aérologiques ne sont que rarement homogènes ! Mon seul « regret », sur ce vol absolument fabuleux, aura été la mollesse des ascendances jusqu’à Crans-Montana. 300 mètres de plafond et 0,50 m/s de plus dans ces ascendances en moyenne nous auraient certainement permis de dépasser Innsbruck et d’aller…ENCORE PLUS A L’EST.

Pierre GUILLOT